Divers monogues, farces , écrits en catalan roussillonnais sont repris en version française et rassemblés, avec quelques histoires inédites, dans un recueil intitulé: RENVOIS D'AIL DE CORNICHON ET DE FRAISE OU HISTOIRES DE BRIC ET DE BROC. Vous en trouverez le sommaire et quelques extraits ci-après |
RENVOIS D'AIL DE CORNICHON ET DE FRAISE | ||
Version originale catalane dans le web |
Version française présente dans le web |
Titres des Histoires traduites ou réecrites en Français par Pere GUISSET |
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| La fontaine de félicité |
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| Chevrotine |
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| Le fandango |
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| La colère de Manuel |
| Le superman |
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| L'oreille |
| Retour de vacances |
LES SECRETS DE
JOAN TIMONET
Les secrets de jean
Timonet
LA CINQUANTAINE Femmes, Femmes, il est dur.
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REVE
OU MIRACLE
Version catalane
REVE OU MIRACLE ? C'est une tradition, une ancienne tradition, la flamme, la flamme qui allumera tous les feux de la St Jean, part la veille du jour des feux, de la Casa Pairal, monte, portée par de jeunes montagnards aux jarrets solides et à la foi inébranlable en cette flamme de l'amitié, jusqu'au sommet du Canigou. Là, elle sera veillée toute la nuit, le lendemain, jour attendu des feux, les jeunes, après un court repos, toujours prêts, toujours dispos, l'enferment dans une lampe tempête, et la descendent vers la plaine, courant, enjambant les ruisseaux, sautant les torrents, traversant les rivières, se transmettant par relais la flamme sacrée. Cette flamme doit arriver avant la nuit, dans chaque village, aussi bien que dans le plus reculé des hameaux, partout où l'attend le bûcher préparé par de fervents amoureux de nos traditions. Au signal venu du pic Canigou, tous les feux s'allumeront dans l'allégresse générale. Allumés par la flamme immortelle, véritable feux de joie, feux d'amitié et d'espoir, vous êtes une de nos plus belles traditions! Je les salue, ceux qui montent le bois sec, ceux qui préparent le bûcher, ceux qui montent la flamme au sommet du pic, ceux qui veillent la flamme et les coureurs, ces jeunes qui se relayent, qui courent dans les chemins escarpés de nos montagnes ou sur les routes de la plaine, je les salue tous; Il faut vraiment avoir la foi! J'admire, tous les participants actifs qui perpétuent la célébration d'une pareille fête, ceci, parce que, ayant participé moi-même, très activement, une fois, une seule fois à la réussite des feux de la Saint Jean, je sais ce que celà demande parfois de peines et de sacrifices. Je fus, cette année là, un participant occasionnel, imprévu, mais un participant tout de même, qui a tout fait pour que soit réussie cette fête séculaire et traditionnelle. Je vais vous exposer les faits. Sachez tout d'abord que si j'ai participé, ce n'est, il est vrai, parce que le hasard ou le destin, appelez ça comme bon vous semble, a voulu que je sois à tel moment, à tel endroit. Ces faits, je vais vous les exposer, tels qu'ils sont restés dans ma mémoire! Vous tirerez les conclusions vous-même! Je ne cherche pas à influencer qui que ce soit. Je me reposais quelques jours, chez mon vieil ami, Jean de "Can Tirasoldat" .Le mas "Tirasoldat", s'accroche depuis des lustres au flanc de la montagne et se cache timidement dans les châtaigniers et les chênes verts, c'est un vieux mas, un très vieux mas, pittoresque, bien exposé face au soleil levant, dans l'air sain de nos montagnes, site idéal, endroit rêvé pour hâte la guérison d'un très mauvais rhume tournant en bronchite, que j'avais contracté, je ne sais comment. Cet après-midi là, après-midi d'un mois de juin, se formait sur le Canigou un orage menaçant! L'air était lourd et au loin, comme un roulement de tambour, le tonnerre grondait, quelques éclairs déchiraient le ciel, les bêtes affolées, se hâtaient vers leur gîte, leur terrier, leur nid ou un refuge quelconque! Sur le sentier menant au mas, je me dépéchais, j'allongeais le pas, par crainte d'être surpris par cet orage qui s'annonçait assez violent! Après le "correc" de la "Guilla blanca", passé en sautant de pierre en pierre, je pris le raccourci, accompagnant à la fontaine "del bigarrat", ce sentier encaissé dans des rochers, couvert de mousse, ce sentier qu'empruntaient en leur temps, les muletiers et les contrebandiers, ce sentier que n'empruntent plus aujourd'hui, que les sangliers, les renards, et les quelques chèvres qu'élèvent les vieux montagnards du mas "Bufafocs" ! (je cite tous ces noms de lieux, pour ceux qui connaissent cette région ou plutôt, ce coin de notre montagne)! Je pris donc ce sentier envahi par les genêts, les ronces, et arbustes rabougris, ce sentier étroit et malaisé, qui après le bois "del Rocallam", longe le précipice dit "el cingle de les viudes", lieu réputé maudit, réputation à ce jour entretenue vivante par de nombreuses légendes, plus ou moins effrayantes! C'est là, paraît-il, que les femmes se débarrassaient de leurs maris encombrants! C'est en traversant le bois "del Rocallam", que j'entendis les appels et gémissements! C'était un garçon d'une vingtaine d'années, qui, victime d'une chute, souffrait d'une entorse douloureuse! Il tenait, fait étrange, une lampe tempête à la main! une lampe allumée, en plein jour! Il refusa mes soins, me demanda simplement d'avertir les vieux du mas "Bufafocs", qui s'occuperaient de lui me dit-il, mais il me supplia de sauver la flamme! c'est la flamme qui ce soir, doit allumer les feux de la Saint Jean. Je vous en prie, me supplia ce blessé, il faut porter cette flamme jusqu'au pré du mas "Bufafocs", un copain l'attend pour la porter plus loin. De relais en relais, cette flamme doit arriver dans la plaine et surtout, me recommanda le jeune garçon, avec ferveur, si l'orage tombe, veillez sur la lampe, veillez sur la flamme, je compte sur vous, c'est une chaîne de l'amitié, elle ne doit pas être brisée! Faites vite et que Saint Jean vous aide! Voilà comment j'ai pris ce jour là, le départ de ma participation active et imprévisible, à la vieille tradition des feux de la Saint Jean! J'étais devenu un porteur de la flamme, un relayeur indispensable, et comme un jeune homme, oubliant ma bronchite, je courais, sautais les ruisseaux et les "correcs" comme un isard dans nos hautes cimes! L'orage courait derrière moi, grondant, coléreux, lançant quelques éclairs fulgurants, mais pour sauver la flamme, je courais, je courais de plus en plus vite, je courais à perdre haleine! mais, extraordinairement, je ne perdais pas haleine! je courais la lampe à la main, l'orage sur mes talons, je courais, à mon âge, moi, un bronchiteux, je courais comme un vrai coureur de course de fond, comme un habitué des marathons olympiques! Au "cingle de les viudes", l'orage me rattrapa! en une minute, pris dans cette tourmente, je fus trempé, giflé, aveuglé par la pluie, poussé par un vent terrifiant, vers le précipice maudit! Je trébuchais sur une perfide racine, et ce fut la chute! Une chute de vingt mètres, quasiment à pic! Ce furent des secondes affreuses, je glissais, je roulais, m'accrochant aux touffes d'herbes, aux aspérités des rochers, je tombais vers le torrent déjà grossi par l'orage, je tombais vers la mort certaine. Mais, arrêté dans ma chute à un mètre des eaux furieuses, par un chêne vert providentiel, j'étais indemne! boueux, mouillé, assourdi par le tonnerre, effrayé, sans voix, mais indemne! pas une égratignure, pas une bosse, pas le moindre bleu! J'étais indemne, mais désespéré par la perte de la lampe, la lampe avait disparu, la lampe et la flamme sacrée! sûrement emportées par le torrent en crue! Je pouvais pourtant m'estimer heureux, tomber dans ce précipice et avec une tempête pareille, et me retrouver au fond indemne, à un mètre du torrent, cela tenait du miracle! c'était un miracle! L'orage redoublant de violence, il fallait, avant que l'eau du torrent ne monte encore, il fallait remonter du fond de ce maudit précipice et ce n'était pas une entreprise aisée! J'eus l'impression, que quelqu’un me donnait la main, m'aidait, me soutenait, et nouveau fait étrange, je me sentais fort, courageux, intrépide Je me retrouvais donc, sans efforts sur le sentier, sentier balayé par le vent et la pluie, là, je n'en crus pas mes yeux, là sur une pierre plate,posée sur le bord du sentier, la lampe était là, la lampe et la flamme bien vivante! Si j'étais crotté, trempé jusqu'aux os, sur la lampe, pas une goutte n'était tombée, ne tombait, et ne tomba par la suite, le vent l’avait épargnée, l’épargnait, et l'épargna aussi! C’était encore miraculeux! Je repris, et la lampe et ma course jusqu'au mas "Bufafocs", remis la lampe et sa flamme sacrée au nouveau porteur qui continua vers la plaine,cette chaîne de l’amitié et je tombais, évanoui. Je retrouvais mes esprits, couché dans mon lit, dans la chambre du mas de "Can Tirasoldat", mon ami Jean et sa femme étaient prés de moi, prévenants et inquiets! Jean me dit que le facteur m'avait trouvé, évanoui dans le pré, prés du mas "Bufafocs"! Les vieux métayers du mas "Bufafocs", tout comme le facteur ont supposé, me dit-il encore, que je m'étais égaré pendant l'orage et m'étais évanoui complètement épuisé! Il y avait de cela trois heures! Je lui racontais mon histoire, l'histoire du blessé, de la lampe, du "cingle de les viudes" et des miracles! Incrédule, il sourit ironiquement et me dit: "dors, tu as de la fièvre, beaucoup de fièvre, et tu as reçu un choc à la tête, nous allons bien te soigner, tu seras vite sur pieds". Mon histoire! ni mon ami Jean de "Can Tirasoldat" ni sa femme, ni les vieux de "Bufafocs", ni personne au village, n'ont voulu la croire! et pourtant je suis sûr d'avoir vécu ces faits, ce n'était pas un rêve du à mon état fiévreux, c'étaient réellement des miracles! ~ Pere Guisset.
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LE SACRÉ ÂNE. -=-=-=-=-=- Dans un pays merveilleux, un pays où il fait bon vivre, un pays où les mauvais jours, jours de pluie, de froidure ou simplement de ciel gris, peuvent se compter sur les doigts de la main, je connais un charmant village niché prés d'un mont orgueilleux et fier, un mont souvent coiffé de blanc, le mont Gounica! Dans ce magnifique village aux mille jardins fleuris, aux pittoresques ruelles moyenâgeuses, aux gaies fontaines chantant dans les environs, dans ce village où la luminosité du ciel est incomparable, dans ce village vit un âne! un âne fier, arrogant et prétentieux! Les ânes, les ânes ordinaires, les ânes comme tous les ânes sont trés rares de nos jours, mais comme cet âne là, il n'en existe pas deux, il est unique cet âne là, c'est un âne sacré! Tout comme dans l'Inde où on vénére la vache, dans ce village du Pirlesval, on vénére un âne, on idolâtre un âne, un insignifiant petit grison qui se permet tout et qui a tout permis! quelquefois de perfides ruades! On lui a permis de faire, c'est quasiment incroyable, et il fait, ses petits besoins dans la rue, il peut s'il le désire, assister à la messe du soir ou à l'office le dimanche, sans que nul ne s'offusque, il peut, et il le fait, assister à n'importe laquelle des réunions tenues dans le village, réunions d'information, politiques, culturelles ou autres, il peut s'il le veut et il ne s'en prive pas, mettre son grain de sel partout et n'importe où! Par toutes les sociétés, culturelles, sportives, professionnelles, religieuses, il est écouté et cru! c'est le conseilleur, c'est le guide, c'est le confesseur souvent! C'est l'âne roi! C'est l'âne dieu! C'est l'âne phénoméne, c'est l'âne qui parle, et il aime parler cet âne là! Il donne des conférences incompréhensibles, sur les places, dans les rues ou prés des fontaines, sur des thémes divers. Il parle, il postillonne, il discourt, conteste, n'approuve jamais, et impose toujours son point de vue. Des bons villageois, il mystifie les mystiques; il dompte les sceptiques; il intéresse les opportunistes par l'afflux de touristes, qu'il attire toute l'année, fait sourire les réalistes, énerve les intellectuels, agace les artistes, fait la cour aux indifférents, et écrase les opposants! Par tous bon gré mal gré, par tous, il est considéré comme tabou! comme sacré! C'est un idole, l'idole locale,! certains l'abreuvent avec la meilleure eau, le nourissent avec la meilleure avoine, le gavent avec leur meilleur foin! C'est l'âne roi! c'est l'âne dieu! Si son quotient intellectuel est petit, sa faconde est grande et inépuisable! c'est un âne rempli de savoir, (savoir que l'on lui a inculqué peut-être à coups de triques), qui répéte ce que l'on veut lui faire dire, plutôt et surtout, ce que veut lui faire dire son maître! Car il a un maître cet âne sacré, un maître qui vit divinement bien dans son sillage ou son ombre, et ce maître est surement ventriloque, ce qui explique beaucoup de choses! Un vieux Pirlesvalien, écoutant un jour cette histoire, a certifié qu'il connaissait beaucoup d'ânes ayant ces dons et que les ânes qu'il connait, ont quelque chose en plus, ils n'ont pas de longues oreilles et surtout, n'ont que deux pattes.
Pere Guisset. |
Perrette
avec ses poules coquines
Mais
c’est bien le boulot premier Après
le petit déjeuner,
Mais
aujourd’hui, il faut dire adieu,
Et
pourtant, c’est bien le boulot premier
Petit
coq, coq chantant, adieu Pleurez,
pleurez mes poules coquines, Et
pourtant, c’est bien le boulot premier Cette
histoire doit nous enseigner, Mais
aussi, et c’est à peine croyable
Pere
GUISSET |
Note d’un petit coq traducteur : Si dans votre village aussi, vous faites la chasse aux coqs de villages et autres beaux parleurs, allant même à sacrifier les chroniqueurs, si personne n’a encore été châtré, en tant que grands bavards, faites comme moi; sauvez la race des batifoleurs, évitez de chanter pour que l’on vous laisse toujours batifoler en paix. Au matin de vos rudes combats, si au lit vous flemmardez, évitez aussi d’habiter à côté d’un poulailler… ! …. Et pour vous nourrir?…..Continuez à aller au supermarché…. !. Au rayon poissonnerie,
vous constaterez que le maquereau sent aussi fort que le fumier…… L’Altre GUISSET |
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Héritiers ou héritières même combat........ mais on ne se mélange pas......! |
LES HÉRITIERS D'ONCLE TONI (monologue) Quand oncle Toni eut quatre-vingt-dix ans, Dieu lui pardonne, ayant goûté ce qu'il y avait de mieux dans ce bas monde, décida d'aller voir saint Pierre, ses héritiers se dirent: "Bonne affaire !" C'est qu'il n'était pas mal loti, l'oncle Toni, tout bien pesé : deux mas, trois maisons et pas mal de fermages...! A son enterrement, personne ne manquait, tout le monde était là, tous mouillaient leur mouchoir. Il y avait tonton Pere, Xico, un mien cousin, et tante Sidonie, mes cousines Rosa, Marta, Filomena et Marie, Baptiste l'orgueilleux, mon oncle, le douanier, tante Hortense, sa femme, née au Pas-de-Calais, tante Eleonora, qui habite au Boulou et qui ne se déplace qu'aux grandes occasions, l'oncle Jacques, un rat, venu avec sa femme, qui disait à Baptiste: "On est bien peu de chose, ici bas, pas la peine de s'y faire du mauvais sang" . Mais c'est tante Mena qu'on remarquait le plus : elle criait et pleurait à vous fendre le coeur. Son neveu Victor la traînait. Elle n'arrêtait pas de crier: "Pauvre Toni, je ne t'oublierai pas, je te l'assure". Chacun savait qu'elle ne pouvait pas le blairer. "Brave Toni", ajoutait Pere, le miséreux, "Il avait un bon coeur et un fichu caractère". Jepe, cousin au moins au cinquième degré, Renchérissait: "Un fichu caractère, je vous le dis." Il était bien placé pour le savoir car, figurez-vous, ils en étaient venus aux mains, un jour, et le brave Toni, malgré ses soixante-dix ans, l'avait roué de coups de poing et de soufflets. Bref tous pleuraient le mort, lui trouvaient des vertus. On pensait: "Tu nous laisses beaucoup, chacun aura sa part". Après l'enterrement, les héritiers au mas se retrouvèrent. Une bonne douzaine, peut-être davantage ! On avait bien mangé: haricots, anchois et force oeufs durs. C'était beau de nous voir ainsi, tous réunis ! "Y'a pas", disait tante Hortensia, la femme au douanier, qui était née, ai-je dit, au Pas-de-Calais, "Y'a pas, disait-elle, c'est une belle famille, des gens gentils, et je suis bien contente d'en faire partie". Tout s'était bien passé, c'est vrai : l'oncle enterré, on fumait en attendant le café. Qui donc mit le feu aux poudres ? Jamais je ne le sus. On parla d'héritage, ce qu'il ne faut pas faire dans. un moment pareil. C'est fait, c'est fait ! On n'y changera rien. De telles discussions ce n'est pas bon à faire ! Plus on discutait et plus ça se gâtait. Les esprits s'échauffaient. Oncle Baptista voulait faire "des lots en toute impartialité". Le cousin Xico protesta qu'un triste douanier, avec ou sans sa petite moitié, n'avaient pas à y mettre le nez : s'il fallait faire des lots, "c'est lui qui s'en chargerait". Oncle Jacques douta qu'il sache se moucher, et fit remarquer qu'il était le plus vieux et donc tout désigné. Xico lui répondit mais je n'entendis rien, sauf la claque sonore dont le gratifia l'oncle. "Bien", fit tonton Pere, voyant les choses mal tourner, "Ça ne servira à rien de discuter ? Et s'il y a un testament ?" Les femmes s'en mêlèrent, et ce ne fut pas mieux. Le débat général devint si passionné qu'on se traita de tous les noms d'oiseaux. Cris et disputes, on lava en famille beaucoup de linge sale. S'il l'avait vu, l'oncle Toni aurait bien ri. On en entendit des vertes et des pas mûres. Quand on fut las de crier, on passa tout à coup aux empoignades ! Ce fut un beau combat: je peux dire que pour bien digérer on n'a pas encore inventé mieux ! Tante Carolina, de courage admirable, avec son parapluie se frayait un passage. L'oncle Baptista, vous savez, le douanier, était un vrai boxeur, fallait voir. Il y voyait mal, ce qui évita un carnage. Tonton Pere, debout sur une chaise, les cheveux fous, prêchait le calme et l'union, le respect de la mort. Il parla trop longtemps, et il eut tort : d'un coup de bouteille à la tête, Victor lui coupa le sifflet. Que pouvait dire l'oncle, quand le mal était fait ? Un oeil au beurre noir et tête nue, tante Sidonia courait : sa perruque était pendue à une armoire. Cousine Filomena, à genoux sous la table, cherchait son râtelier. Cousin Xico ne se sentait pas bien, il était aveuglé. Il avait sur le front une bosse de la taille d'un oeuf. Il me regardait, souriait, se coucha sur le sol et s'endormit, content. Comme ça avait démarré ...tout c'est soudain arrété PERE GUISSET |
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MES FUNÉRAILLES Amis, lorsque mon tour viendra, d'aller retrouver saint Pierre, --rien ne presse, c'est certain, j'ai tout mon temps j'espère seulement ne pas souffrir !- c'est tout à fait tranquille que montera là-haut Pere Guisset. Si par hasard, amis, vous êtes à l'enterrement, par amitié ou par égard pour ses proches parents, si je ne voudrais pas trop de pleurs évitez pourtant les éclats de rire ! À la messe des morts, soyeux sérieux, pour une fois ! Au fond de l'église ne bavardez pas trop fort. Je ne suis pas contre un mot d'esprit dit à propos, mais parlez à voix basse, par respect du curé. Réservez les plus piquantes pour plus tard, quand je serai déjà à l'ombre des cyprès. Cela n'ira. Vous savez bien que ma vie durant j'ai été un adepte, un pratiquant du rire, et je ne voudrais vous en priver à aucun prix. Aussi mal loti que je sois là-haut, tout ira bien s'il y a des gens joyeux, un monde juste, fraternel et rieur. Soit l'inverse du monde d'ici, où l'on parle de roses mais où chacun a son lot d'heures pour la douleur. On y essuie plus de tempêtes qu'on n'a de jours ensoleillées. À nous les coups de pied au cul au lieu des embrassades. Dans ce monde où tout tourne à l'envers, déboussolé, malgré les preuves de votre amitié, mes amis, malgré, l'affection d'une épouse, d'un fils, d'une bru, de mes petits-enfants, j'ai plus eu de soufflets que de bienfaits. J'ai dit, c'est vrai, beaucoup de blagues, de sottises, mais dans le tas il peut bien y avoir des vérités. Je ne reproche rien à personne: sur la terre il y a de tout, des bons (peu), des rétifs, des ânes, des taciturnes ! Ah! des méchants aussi, ceux qui grincent des dents, jamais joyeux, jamais heureux, jamais contents, qui ignorent ce qu'est un éclat de rire, qui oublient que la vie n'est qu'un voyage où nous sommes tous embarqués, dans un monde de travers, où pour un ventre plein il y a mille ventres vides, un monde où vous gardant d'un ennemi c'est l'ami qui vous jouera un mauvais tour. C'est un traître de monde! Même les roses au jardin écloses vont vous piquer quand vous les cueillerez. Voilà pourquoi je ne crains pas de changer de monde. J'aurai pas droit à l'auréole, je le sais! Je ne serai point tout seul. C'est le lot de qui sait où gît le diable sur terre. Il y a qui prêche la paix et nous envoie à la guerre ! Ceux qui étoufferaient père et mère pour l'argent, qui battraient femme et enfants, et aux amis casseraient la gueule. Aussi, mes amis, si vous assistez à mon enterrement, et entendez prés de mon cercueil des rires, écoutez bien, écoutez bien voir ces rires d'où ils viennent. C'est de mon cercueil qu'il viendra, le dernier éclat de rire du partant. Il sait, en vous laissant, que pour un jour de joie vous en aurez cent de tracas. En partant, il ignore toujours ce qu'il est venu faire en ce bas monde. Avant de nous séparer je veux vous dire: " Adieu, je vous attends là haut, serein, la paix au coeur ! Si j'ai fait du tort à quelqu'un, c'était sans le savoir. Si j'étais un original, un têtu, un marginal, je n'étais pas méchant. Pourtant, dans ces moments, avant de vous laisser, je vous demanderai de bien me pardonner, et, peut-être, à la Toussaint, d'apporter sur ma tombe une fleur ! des bons (peu), des rétifs, des ânes, des taciturnes ! Ah! des méchants aussi, ceux qui grincent des dents, jamais joyeux, jamais heureux, jamais contents, qui ignorent ce qu'est un éclat de rire, qui oublient que la vie n'est qu'un voyage où nous sommes tous embarqués, dans un monde de travers, où pour un ventre plein il y a mille ventres vides, un monde où vous gardant d'un ennemi c'est l'ami qui vous jouera un mauvais tour. C'est un traître de monde! Même les roses au jardin écloses vont vous piquer quand vous les cueillerez. Voilà pourquoi je ne crains pas de changer de monde. J'aurai pas droit à l'auréole, je le sais! Je ne serai point tout seul. C'est le lot de qui sait où gît le diable sur terre. Il y a qui prêche la paix et nous envoie à la guerre ! Ceux qui étoufferaient père et mère pour l'argent, qui battraient femme et enfants, et aux amis casseraient la gueule Aussi, mes amis, si vous assistez à mon enterrement, et entendez prés de mon cercueil des rires, écoutez bien, écoutez bien voir ces rires d'où ils viennent. C'est de mon cercueil qu'il viendra, le dernier éclat de rire du partant. Il sait, en vous laissant, que pour un jour de joie vous en aurez cent de tracas. En partant, il ignore toujours ce qu'il est venu faire en ce bas monde. Avant de nous séparer je veux vous dire: " Adieu, je vous attends là haut, serein, la paix au coeur ! Si j'ai fait du tort à quelqu'un, c'était sans le savoir. Si j'étais un original, un têtu, un marginal, je n'étais pas méchant. Pourtant, dans ces moments, avant de vous laisser, je vous demanderai de bien me pardonner, et, peut-être, à la Toussaint, d'apporter sur ma tombe une fleur ! PERE GUISSET |
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| UNE NUIT DE CARNAVAL Dessins : Daniel RICHARD Textes : Pere GUISSET |
Une nuit de carnaval,deux amis, cherchaient au bal une "nana" avec si possible la cuisse lègère et sachant distinguer.... | |
ce qui est de la poule..... de ce qui est du coq.....! | |
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À Carnaval tout est permis !" C'est ce qu'a dit Jepet un mardi,
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"Donc, Pere, qu'est-ce que tu dirais,
puisque aussi bien nos femmes sont au lit,
si nous en profitions pour faire un peu la noce ?"Pel carnaval! Tot si val
Donques Pere, que em diries, |
Sitôt dit, sitôt fait. C'était exceptionnel, que diable ! Nous avons, tout d'abord, fait le tour des cafés histoire de nous mettre en bonne forme.
Tan aviat va ser dit com fet! | |
Ensuite nous avons pensé au fruit défendu
d'une jeunesse, pour nous ragaillardir !
Desprès, vam decidir, una cosa prohibida, | |
"Voilà", disait Jepe, je me sens des fourmis quelque part, nous avons assez bu, pensons aux choses sérieuses : cherchons de belles fesses ! Crois-moi, voilà une nuit aussi propice que possible" . Ara, va dir en Jepet, ara em senti guimbera, |
La salle était une fourmilière, toutes sortes de gens voulant en profiter. Beaucoup avaient comme nous le nez rouge et les chaussettes mouillées. C'était le rhum ou le muscat. "Si à Carnaval tout est permis, nous trouverons ici chaussure à notre pied. | La sala de ball ? un veritable formiguer. |
Il nous faut une fille à la cuisse légère, hardie, rapide à dire oui, qui ne recule pas. Bref, quelqu'un qui se laisse trousser, et qui ne soit pas née des dernières pluies." | Ens cal! una amb la cuixa lleugera, |
Pour moi ce fut un masque de grand-mère Va ser per jo, una amb careta de padrina |
Elle s'était accrochée à moi comme une tique. Ella, em tenia enganxat com una llagasta, |
Elle me chatouillait derrière l'oreille. Em feia pessigolles darrera l'orella, |
Tellement que, sans mot dire, Fins i tot, que sense ens dir res,
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Si dins un corn enfoscait, ens vam arrambar, |
Et mon envie de rire s'en va du même
coup !
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Aqui! ne vaig jugar un boci de trist; | Elle a boudé après trois longs mois d'affilée
Vaig menjar morros, tres mesos seguits, |
Et pour Jepet, direz-vous, comment cela a-t-il fini ? Pire que pour moi, la preuve, la voici : sa Catherine fut tellement furieuse qu'il en prit pour trois mois fermes à l'hôpital. | Jugez donc s'il est vrai qu'à Carnaval
tout est permis ! Ara, aneu diguent, que pel carnaval, |